Il dolce suono, mi colpi di sua voce
A l’écoute de cette musique les souvenirs reviennent, ils ne sont pas intactes, l’injure du temps a fait son œuvre, mais ils reviennent.
Louis pleurait dans sa chambre tandis qu’Emilie et moi refaisions l’amour pour la première fois. Ses pleurs était un chant, ils disaient "presso la fonte meco t’assidi" Comme un chant angélique qui accompagnait notre étreinte. Par la suite je n’ai eu de cesse que d’avoir cette musique dans la tête, toujours le même passage ou la chanteuse clame "si, presso la fonte meco t’assidi".
J’ai souvent associé la musique, une chanson en particulier, pour accompagner un état amoureux. Lors de ma folie en 2009 pour Erika je n’avais de cesse que d’entendre en boucle "nothing else matter" dans ma tête. Lorsque Margarette et moi nous ébattions pour la première fois, en 2011, j’entendais "la valse d’Amélie", en continue, comme je caressais lentement son visage sur le lit mezzanine.
Sans doute rien de comparable aux larmes de joie qui me furent octroyées dans les bras d’Emilie, bercé par un millier de chant, "trema uni fibra" que je comprenais comme "tu es magnifique". Et toujours ce "presso la fonte meco t’assidi" qui ne m’a pas lâché pendant des mois et des mois. J’arpentais les montagnes, je tranchais les orties de mon sabre en bois, toujours en susurrant ce refrain.
Je conçois toutefois que ma plus grande folie fut associée à Nothing else Matter en version acoustique. Je me revois enterrer ce chaton mort en pleine nuit, éclairé d’une bougie, remplie de vin rouge, dans le fond du jardin, tandis que les enceintes hurlaient à travers la porte ouverte cette douce mélopée.
Le voyage d’hivers comme je l’avais appelé, il s’agissait surtout d’un voyage intérieur que personne d’autre que moi ne pouvait comprendre, au terme duquel il m’apparait comme une évidence que j’aurais du me jeter sur les rails à l’arrivé d’un des nombreux trains que j’attendais.
Il en fut que j’accédai jusqu’à la certitude que j’entendais les gens penser, qu’ils s’exprimaient pour un bien commun et qu’ils attendaient ma contribution.
La stabilité n’existe qu’à mon ennui récurent. Le néant d’une vie sans rien. Aucune raison valable de se donner le moindre effort à faire pour cela. Autant se laisser bercer sans but jusqu’à atteindre l’état de passion, à l’issu et au commencement aussi incertain inattendue, et se voir transformer du tout au tout pour une cause vaine jusqu’à en perdre la raison. L’échec est presque aussi inéluctable qu’inenvisageable en de pareil cas, mais le voyage, l’éveil des sens, en vaut la peine. Je ne souhaite qu’atteindre à nouveau cet état d’esprit de folie, et y mourir au stade de l’apogée, avant que les espoirs s’effondrent, que l’immonde réalité ne revienne vomir son mépris.
Je ne vois et ne parle plus à personne, mon asociabilité est une vieille habitude. J’hiberne en toute saison et je me complet dans le sommeil et les rêves tous plus beaux les uns que les autres. Mon cousin parfois m’éveille à ma torpeur et me redonne le goût de se projeter dans l’avenir, sans qu’aucune ardeur amoureuse n’en sois responsable, mais je garde le gout du rêve et de l’imaginaire en moi. J’attends ma prochaine folie, sans impatience car j’ai peur, sans crainte car je n’ai raisonnablement rien à perdre, sinon cette vie, qu’on m’a offert sans mon consentement, que je sent dépérir comme la jeunesse me quitte, qui s’abime à chaque cigarette fumée, à chaque repas sauté, qui ne m’offre comme seul véritable grâce que la flambée de la passion, sans doute flèche tiré dans le vide, mais ô combien essentielle.
Il y a une griserie à tout abandonner.