My loneliness needs loveliness

Do you wanna wake ?

J’ai beau culpabiliser un peu à trop faire le vide autour de moi et resté enfermé sans volonté, au fond je me dit que le monde extérieur me rappellera irrémédiablement et que je fais bien de profiter de ma solitude à fond, tant que je le peux.

Le retour à la réalité est difficile mais il en vaut la peine.

Passé les jours sans voir ni parler à personne, une forme d’ivresse dans ce détachement "Quel jour on est ? Mercredi je crois..." Éclat de rire en constatant vendredi. Impression que le monde continue de vivre et qu’il s’en sort très bien sans moi. Le plus grisant, c’est de se réveiller en pleine pénombre sans savoir si la nuit vient de commencer ou si elle se termine.

Sommeil léger, régulièrement interrompue par des bruits d’objets qui tombent à terre, glissent et se cognent contre les meubles, d’autres formes de vie plumées, derrière la fenêtre, annoncent leur réveil par des caquètements, me donnant une vague idée de l’heure qu’il est. Tant qu’il reste du sommeil potentiel il faut en profiter, qui sait combien d’heure je devrais tenir éveiller si je me lève maintenant, avant de pouvoir sombrer à nouveau et m’adonner à ce plaisir : le monde des rêves. Le téléphone portable est toutefois décidé à m’en extraire comme il sonne d’une sonnerie qui n’est pas celle d’un réveil que j’aurais oublié de déprogrammer. C’est tellement tentant de pas répondre. Voie d’homme au téléphone, j’émerge, "vous êtes devant chez moi ?" - "Oui" - "Ok, attendez 5 minutes j’arrive". Je m’habille à tatons, comme d’hab, 5 fois le tour de la maison avant de réussir à m’habiller et à démarrer la cafetière. Je me demande pourquoi un technicien de chez la concurrence vient vérifier ma ligne internet, mais comme elle est en panne depuis plusieurs jours je ne vois aucune raison de l’envoyer bouler. Quand je les fais rentrer chez moi je réalise que les chatons ont fait tomber un verre par terre pendant la nuit, il y a du verre brisé partout et je marche dessus en l’étalant, tout en leur présentant mon cable de connexion qu’il a fallut trifouillé dans un monticule de coquille de cacahuète, d’emballages vide et de bouteille en plastiques avant de trouver. Je me pose pas trop la question de savoir si l’odeur de la litière des chats, que je n’ai pas changé depuis trop longtemps, les indispose, je me dit qu’ils se sont invité tout seul chez moi et qu’il doivent sûrement en voir des pires assez régulièrement. Le plus vieux n’est pas très professionnel, mais le plus jeune fait son boulot jusqu’au bout et m’explique que oui ma ligne fonctionne mais que comme je suis pas chez eux ils ne peuvent pas réparer ma ligne et que si j’étais chez eux (Orange) ils la répareraient immédiatement à leur frais. Blabla commerciale un peu pathétique mais j’apprécie qu’il m’écoute et tente de me répondre de son mieux. Je les remercie, referme le portail et rentre. Quand je regarde les éclats de verre sur le carrelage la machine se remet en marche, le "regard d’autrui", je me sens coupable de les avoir reçu dans de telles conditions. Dans la cuisine, le balais, le sceau et la raclette me regardent du coin de l’œil, je sais que je ne vais plus tarder à les rejoindre car je recommence à sentir le besoin de déverser un tsunami de fraicheur et de bonnes odeurs. Irrémédiablement ramené à la vie. Non non et non. Je préfère me servir mon café, me rouler une cigarette et bouder dans mon coin. Rien à faire. Pourtant le soir même je reçois un texto, en le lisant je me réveille immédiatement de ma torpeur "ok on essai de prévoir ça dimanche" Et ça recommence, je n’arrive pas à m’empêcher d’être heureux. Après quelques texto on se dit qu’on en reparlera dimanche matin. Cela faisait plusieurs semaines qu’on ne s’était pas vu, la dernière fois c’était à Boulogne pour la sortie à Nausicaa. La simple idée que j’ai quelque chose de prévu dans 2 jours change tout, je saute de joie, à quoi bon lutter ? La nuit commence à peine. A grand renfort de sac poubelle, d’eau chaude, de chants latins et de St Marc au bicarbonate, je m’attaque aux zones les plus atteintes de mon logis. Et les ténèbres reculent peu à peu, le carrelage récupère ses couleurs, l’espace d’agrandi. Et le pire c’est que j’y prends plaisir, même dans les toilettes, la découverte du recyclage du caca de chat en terreau riche en potassium m’émeut stupidement. Mes chats aiment faire leur besoin dans les toilettes, si seulement ils faisaient dans la cuvette… Je suis un peu triste de découvrir les asticots mourant comme je les attrape parmi les poignées d’excrément à demi décomposé que je jette dans la cuvette : si je les avais laissé quelques jours de plus, leur travail de recyclage aurait été tout à fait accompli.

"Apocalypse Baby." Ce roman m’enlace à nouveau, je l’ai déjà lu entièrement, et c’est peut-être pour ça que j’y reviens plus facilement, plaisir de rechercher à tâtons les passages qui m’ont plu, redécouverte des personnages. Virginie Despentes ne parle pas souvent d’amour, mais lorsqu’elle évoque ce sentiment de complétude parfaite, le passage est d’autant plus sublime qu’il précède et succède à d’autres passages beaucoup plus sombres. Après avoir fermé le bouquin je ressent encore la présence de ce que j’ai ressenti à travers les personnages du roman, pendant plusieurs heures. Les livres qu’on connait déjà ont cela d’envoûtant qu’on peut invoquer la présence de ce qui nous a marqué, comme se téléporter au sein d’un autre environnement.

Ce matin le réveil était triplement programmé. J’ai apparemment perdu momentanément ma faculté à me réveiller à une heure dite.